Le guerrier et la paix
Ahmad Shah Massoud est-il un candidat légitime pour le prix Nobel de la paix?

The News on Sunday, 12 Mai 2002
par Mohammad Shehzad


Le chef militaire suprême d'Afghanistan assassiné, Ahmad Shah Massoud, a été proposé pour le prix Nobel de la paix. Un groupe de parlementaires français a soumis cette proposition au comité pour le prix Nobel de la paix basé en Norvège. Massoud est connu dans cette partie du monde comme un seigneur de la guerre qui ne pourrait en aucun cas être confondu avec un activiste de la paix. Il fut qualifié de "boucher" par les Pashtounes. Sa nomination a profondément déçu les vrais défenseurs de la paix et des droits de l'homme.

La réaction instantanée de l'association révolutionnaire des femmes d'Afghanistan (Revolutionary Association of Women of Afghanistan - RAWA) à cette étrange nouvelle fut: "Un certain nombre de précédents ont prouvé que le prix Nobel de la paix n'était pas toujours attribué selon le mérite. Il est conféré aux laquais de l'occident. Il est attribué à des écrivains occidentaux et à des criminels de l'est! Massoud avait une personnalité trompeuse. Il appartenait au Jamiat-i-Islami qui était un groupe ultra-fondamentaliste. Pendant son gouvernement, des milliers de femmes furent violées en Afghanistan. Comment une nation civilisée comme la France peut-elle être derrière une telle injustice? Nous condamnons solennellement cette nomination et pressons les activistes des droits de l'homme de protester contre elle aussi."

Massoud est-il un candidat légitime pour le prix Nobel de la paix ou non? Pour chercher une réponse, TNS a parlé avec quelques experts reconnus de l'Afghanistan.

D'après le magazine Time (11 Juin 1984), une des plus grosses opérations de Massoud contre les Russses fut organisée, financée et dirigée par la CIA

* * *

Milton Bearden, chef de station de la CIA au Pakistan pendant la guerre dit: "Massoud passa la plupart de son temps à préparer la guerre civile à venir, pas à combattre les communistes."
(Los Angeles Times, 26 Avril 1999)

AHMAD SALIM:

Suivant l'opinion scholastique de l'historien renommé Ahmad Salim, récompenser des meurtriers avec des décorations aussi prestigieuses que le prix Nobel de la paix n'est plus un phénomène bizarre. Il rapporte: "L'académie de Suède, qui n'avait pas encore détruit complètement sa réputation, vient maintenant de prouver qu'elle est un grand partisan des agents du terrorisme d'état et des éléments qui complotent contre lui. La Révolution Française est la victoire glorieuse et l'héritage de tout activiste de la paix, de tout révolutionaire et de tout humaniste au monde. En proposant Massoud pour le prix Nobel de la paix, les parlementaires français n'ont pas seulement insulté ceux-là, mais ils ont aussi blasphémé contre les âmes de Voltaire et des martyrs de la Révolution Française. L'histoire témoigne que Voltaire aussi avait élevé la voix en soutien aux Indiens "esclaves" plutôt que de se ranger au côté des Compagnies des Indes Orientales d'Angleterre et de France!"

IMTIAZ GUL:

Imtiaz Gul, un journaliste de longue date, était d'avis que Massoud n'était pas un candidat qualifié. "C'était un combattant -- déjà avant qu'il soit tué, ses forces avaient posé des mines de Taloqan à Badakhshan, qui ont tué des centaines de talibans. Un candidat au prix Nobel de la paix ne devrait pas être un partisan. Massoud faisait partie du conflit d'Afghanistan. Il était considéré comme suspect par beaucoup de chefs afghans. Il avait des prisons secrètes à Panjshir et Khawaja Bahauddin où il torturait des prisonniers pakistanais. Massoud était le chéri des Français. Ils le voyaient comme le plus libéral des chefs afghans, ce qu'il n'était pas! Il n'a jamais autorisé sa femme à se montrer face nue devant son jeune frère. Ses chances de remporter le prix sont minimes. S'il l'avait, cela soulèverait beaucoup de questions!"


Une femme afghane

Une femme afghane raconte comment son mari fut tué à Afshar, à l'ouest de Kaboul. Des centaines de gens innocents de la minorité Hazara furent massacrés par les forces de Sayyaf et d'Ahmad Shah Massoud dans cette région en 1993

AYAZ AMIR:

Ayaz Amir est un chroniqueur expérimenté. Quand il lui fut demandé de commenter ce problème au regard des lois internationales, il déclara: "Ce n'est pas une question de lois internationales. Cela demande une contribution insigne pour la paix -- comme une réalisation majeure pour la paix, un accord de paix important ou quelque chose de la sorte. Qu'a-t-il fait? Il fut un seigneur de la guerre depuis le début et fut plus tard un opposant des talibans. Il fut ministre de la Défense du gouvernment Rabbani. C'est sa ce moment que Kaboul fut réduite à un tas de ruines et parmi les ambitions en compétition qui firent d'Afghanistan une terre de désolation, une de ces ambitions fut celle de Massoud. Il n'était ni meilleur ni pire que les autres seigneurs de la guerre."

À propos de l'honneur attaché au prix Nobel, Mr Amir remarque: "Il y a toujours un aspect politique pour de telles récompenses. Le prix Nobel est déjà tombé dans un abîme de mauvaise réputation. C'est parce que quelques-uns de ses récipiendaires furent de mauvais choix -- Henry Kissinger, Shimon Perez et même Kofi Anan! Qu'est-ce que l'ONU a fait pour la paix? Les autres prix Nobel sont tenus en haute estime, mais le prix Nobel de la paix revient quelquefois à qui a fait preuve de beaucoup de cynisme."

HAMID GUL:

Le général Hamid Gul est l'auteur de la politique afghane abandonnée envers le Pakistan. Il dit: "C'était un bon combattant. Il n'était pas un personnage politique de premier plan -- une personne de grande influence. Il ne pouvait unir l'Afghanistan. Comme Hikmatyar, lui aussi fut responsable de la ruine de l'Afghanistan. Il fut un de ceux qui aggravèrent le conflit ethnique en Afghanistan et était très dur avec les prisonniers. Les Français l'ont toujours utilisé. Ils traitaient directement avec lui. Les Français ont touours eu un intérêt à garder l'Afghanistan divisé ethniquement."


Des soldats de Ahmad Shah Massoud en action

Un combattant criminel du Shura-e-Nezar (Conseil de Supervision) conduit par Ahmad Shah Massoud. Kaboul 1993

D'après le Los Angeles Times (26 avril 1999): "Lors d'un cas terrible en 1993, documenté par le Départment d'État, les troupes de Massoud fit irruption dans un village rival voisin, violant, pillant et tuant un millier de personnes."

Questionné sur ce qui arriverait si Massoud gagnait le prix, le général déclara: "Le Pakistan en souffrira beaucoup. Les préjudices contre les Pashtounes s'aggraveront en Afghanistan et ceux contre les Tadjiks deviendront plus durs."

TAHIR KHAN:

Tahir Khan rédige des articles pour l'agence de presse iranienne IRNA. Il acclame la décision, admirant Massoud comme un grand combattant. "Il le mérite par sa participation à la défense de sa patrie contre l'occupation soviétique et ses offres de paix au Mollah Omar en de nombreuses occasions. Il voulait travailler avec les talibans pour résoudre la crise en Afghanistan mais ses initiatives n'eurent jamais de réponses. C'est un bon signe qu'un combattant musulman soit proposé pour un prix aussi prestigieux."

RAHIMULLAH YUSUFZAI:

Rahimullah Yusufzai, l'expert de "The News" sur l'Afghanistan, a fait part de quelques une de ses pensées très éclairantes. Extraits: "Ahmed Shah Massoud devrait avoir été proposé pour un prix de galanterie. Il a combattu toute sa vie durant. Il n'a jamais travaillé pour la paix. Kaboul fut détruite en 1994 à cause de lui -- 50000 personnes furent tuées et le nombre de ceux qui devinrent des sans-abri fut plus grand encore. La plupart d'entre eux se refugièrent au Pakistan. C'est sa soif de pouvoir -- comme celle de Hikmatyar, d'Abdul Ali Mazari, de Rashid Dostum, et du Professor Sayyaf -- qui réduisit Kaboul à un tas de ruines."

En mars 1995 les forces de Shura-e-Nezar firent, d'après des rapports, des raids sur des centaines de maisons individuelles dans le district de Karte She au sud-ouest de Kaboul, tuant ou frappant des familles entières, pillant les propriétés et violant les femmes Hazara. Une famille, interviewée par un journaliste étranger à Kaboul, dit que les soldats du président Rabbani leur avaient dit qu'il voulaient "boire le sang des Hazaras". Les travailleurs médicaux de la région confirmèrent à ce moment au moins six cas de viol et deux tentatives de viol, mais croyaient que le nombre était en fait bien plus élevé.

"Responsabilité internationale pour le désastre des droits de l'homme", (AI, 1995)

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"En mars 1995, des forces de Massoud [alors Ministre de la Défense] furent responsables de viol et de pillage après leur prise de contrôle de Karte Seh, voisinage majoritairement Hazara de Kaboul.

Dans la nuit du 11 février 1993, les forces de Massoud et Sayyaf conduisirent un raid à l'ouest de Kaboul, tuant des civils Hazara et commettant des viols à grande échelle. Des estimations du nombre de victimes vont de 70 à plus de 100.

Human Rights Watch, 10 octobre 2001

"Massoud parlait couramment français. Les Français ont eu une longue histoire d'amour avec lui. Il était glorifié de manière disproportionée par les media français. Ceux qui le glorifiaient ne tenaient pas compte du fait qu'il n'était pas acceptable pour la majorité des Afghans. Il fut sujet de controverses dès la première phase du jihad afghan quand il accepta un cessez-le-feu avec l'armée soviétique. Le cessez-le-feu donna le passage à l'Armée Rouge sur l'autoroute Salang et permit à Moscou d'envoyer ses troupes à Kaboul et vers l'est et le sud de l'Afghanistan. C'était réellement impensable et un véritable acte de trahison! Aucun moudjahid ne pourrait avoir pensé à un cessez-le-feu comme ça. Comme nombre d'autres chefs afghans, Massoud accepta également le soutien militaire et financier de tiers qui se permirent d'interférer avec les affaires de l'Afghanistan."

Quand on rappella à Mr Yousafzai qu'à la lumière du cessez-le-feu discuté, Massoud ne méritait même pas un prix de galanterie, sa réponse fut: "Je garde à son crédit d'être resté en Afghanistan à la différence d'autres qui fuirent en Iran ou au Pakistan. Il combattit jusqu'à la fin et ne se rendit jamais. On lui doit d'avoir formé et organisé une force de guerilla. Il était un très bon commandant et un stratège qui comprenait les besoins d'entrainement de ses soldats. Il était aussi très populaire parmi les Tadjiks."

Nous espérons que l'ambassadeur de France à Islamabad apportera les témoignages ci-dessus à son peuple et qu'un jugement plus sain prévaudra parmi les Français.





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