L'Humanite, 17 Novembre 2001



La lutte de RAWA, association d'Afghanes révolutionnaires


De notre envoyée spéciale à Peshawar.

Elle se présente sous le nom de Marina et est extrêmement discrète en ce qui la concerne. Marina est une militante de l'organisation RAWA, (Association révolutionnaire des femmes d'Afghanistan), créée en 1977 par une féministe afghane connue sous le nom de Mina qui fut assassinée dix ans plus tard à Quetta. Les auteurs du crime n'ont jamais été identifiés.

Comment définissez-vous votre organisation ?

Marina. RAWA est une formation politique laïque qui lutte pour la reconnaissance des droits des femmes en Afghanistan. En 1979, nous avons pris position contre l'invasion soviétique mais aussi contre les fondamentalistes moudjahidin. De ce fait, dès sa création RAWA a dû militer clandestinement car nous avons dû nous battre sur deux fronts contre la présence russe et contre les islamistes afghans.

Aujourd'hui encore vous êtes la cible de ces intégristes.

Marina. Nous avons à subir les attaques de tous islamistes aussi bien afghans que pakistanais. Pour cette raison nous n'avons pas de bureaux à notre enseigne et nous n'avons officiellement aucun statut. On nous refuse le statut d'ONG parce qu'il y a le mot révolutionnaire dans le nom de l'organisation. Nous ne voulons pas en changer car éduquer les femmes, leur faire connaître leurs droits, est une lutte révolutionnaire. Nous ne bénéficions d'aucune protection et nous travaillons dans la semi-clandestinité.

Comment se manifeste l'hostilité des intégristes ?

Marina. En 1998, un meeting organisé par RAWA à Peshawar été violemment attaqué. Les manifestantes ont été battues et la police pakistanaise n'a pas cherché à nous protéger. Les mêmes violences se sont reproduites l'an passé à Islamabad lors d'une marche. Comme nous n'avons pas d'adresse postale, nous recevons par téléphone et courrier électronique des insultes et des menaces de mort, de viol. Il nous a été interdit par les autorités pakistanaises, de vendre notre magazine RAWA et d'organiser un rassemblement à Peshawar à l'occasion du 8 mars, journée internationale des femmes. Elles exigeaient que nous ne dénoncions pas au cours des débats les taliban. Nous avons refusé ce diktat.

Quelles sont vos activités ?

Marina. Depuis la prise du pouvoir par les taliban en Afghanistan, nous organisions des classes clandestines pour les filles et les garçons. L'éducation des hommes est importante pour l'avenir si nous voulons obtenir le respect des droits des femmes dans une société où elles sont à peine considérées comme un être humain. Nous entretenons aussi des ateliers d'artisanat - là aussi clandestins depuis que le travail des Afghanes est interdit - dans lesquels sont employées 2 000 femmes. La production est vendue à l'étranger et l'argent versé constitue un petit salaire pour les femmes qui est souvent le seul revenu de la famille. Au Pakistan, nous apportons de l'aide aux réfugiés, soit une aide matérielle soit par des cours d'alphabétisation pour les femmes et les enfants. Officiellement nous ne sommes pas autorisées à apporter cette aide dans les camps. Nous le faisons quand même dans l'anonymat mais nous nous déplaçons entourés de garde du corps pour assurer notre sécurité.

Comment voyez-vous l'avenir de votre pays ?

Marina. Nous rejetons toute intervention militaire car ce sont des populations innocentes qui seront tuées. Les Afghans ne supporteront pas une autre invasion étrangère et se battront contre toute occupation. Nous sommes favorables à une solution pacifique avec l'intervention et la mise en place d'une administration de l'ONU en attendant que soient organisées des élections. Nous sommes opposées à toute coopération avec l'Alliance du Nord. Ses dirigeants sont divisés et ils ont déjà fait beaucoup de mal en Afghanistan lors de combats fratricides.

Entretien réalisé par Dominique Bari




De: http://www.humanite.presse.fr






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