Jalalabad et Kandahar de nouveau contrôlées par des voleurs

The News, 7 janvier 2002
C.J Chivers (The New York Times)

Jalalabad : L'intermédiaire portant des lunettes de soleil et la barbe a rencontré les soldats afghans au portail et a pu pénétrer dans le poste de sécurité provincial. Il est réapparu quelques minutes plus tard avec un sac contenant deux cassettes vidéo, un passeport albanais, une carte d'identité marocaine et neuf disquettes.

Il a établi les prix : 1600 $ pour les cassettes vidéo, 400 $ pour un passeport ou une carte d'identité et 400 $ par disquette. Il s'agit de matériel terroriste provenant des grottes d'Al Qaeeda à Tora Bora, dit-il, ou des maisons des terroristes en ville. Il raconte que ces objets sont mis en vente par un chef des services secrets locaux, qui doit se cacher.

"Si vous achetez tout aujourd'hui, il aura alors à vendre des passeports très importants", poursuit l'intermédiaire, qui se fait appeler Dr.Kamran, un chirurgien à la solde du chef de guerre de Jalalabad, Haji Hazart Ali. "Deux passeports de moudjahidin arabes, vous pourrez aussi les avoir."

Le Dr.Kamran n'ayant pas trouvé preneur, il est revenu au poste et est ressorti les mains vides. "Demain peut-être ?" se demande-t-il avec un sourire conspirateur.

Ainsi va la vie à Jalalabad, ville aux mains de voyoux et d'hommes corrompus.

Cette première ville escale afghane sur la route "Grand Trunk Road", qui relie le pays à l'Inde, est un repaire de trafiquants depuis des siècles, abritant et rassemblant les bandits, les marchands et les voleurs qui sont passés par les cols abrupts. Mais, ces dernières années, sous la charia des taliban, incluant des exécutions publiques ou la radiation du barreau pour les criminels, le crime avait baissé.

Maintenant que les taliban sont partis, que la ville et la province alentour de Nangarhar sont de nouveau sous le contrôle de chefs de guerre et de guerrilleros, dont le trafic à grande échelle a quasi instantanément changé l'endroit en une version afghane de Shakedown Street, où presque tous sont corrompus.

Sur les marchés ici, on trouve des copies pirates des films hollywoodiens ("Le Seigneur des anneaux : La communauté de l'anneau" circule déjà), des doses de haschisch et, dans une boutique, le crâne d'un léopard des neiges, l'un des félins les plus menacés de la planète.

La corruption va bon train sous les yeux du soi-disant gouvernement local, composé d'un groupe de brigades colériques.

La guerrilla accueille les étrangers par des menaces et des extortions, vole la nourriture des convois humanitaires et insiste simultanément sur le fait qu'elle aide les Bérets verts à retrouver des documents confidentiels dans les montagnes tout en essayant de vendre ces mêmes documents dans les rues, "Partout, les gens essaient de vendre les objets liés à Al Qaeeda," explique Abdul Ghaffar, 44 ans, nouveau maire par intérim. "Certains documents sont véritables, d'autres sont des faux. C'est une honte."

En entrant dans la ville, les visiteurs sont informés qu'ils sont tenus de résider dans des hôtels contrôlés par l'Eastern Shura, coalition de trois chefs de guerre qui dirige les provinces.

De nouvelles règlent sont établies presque chaque jour. Par exemple, une fois dans le Spin Ghar Hotel, les visiteurs ne peuvent plus changer de résidence, comme il a été clairement démontré la semaine dernière, lorsqu'un traducteur du New York Times, qui avait essayé d'aider un photographe de l'Associated Press à déménager dans un hôtel rival, a été frappé à la tête avec la crosse d'un fusil.

Dans un autre cas, un groupe de guerrilleros postés sur la route de montagne, près de Tora Bora, a exigé 1000 $ de péage.




Kandahar de nouveau contrôlée par les voleurs

The Nation, 8 janvier 2002
Shahzada Zulfiqar


Kandahar- les chefs de guerre qui étaient présents avant l'arrivée des taliban, sont réapparus pour extorquer, en particulier les journalistes étrangers.

Lorsque les étrangers entrent en Afghanistan, les chefs de guerre locaux de Spin Boldak, première ville afghane, les encerclent pour exiger qu'ils paient une taxe encaissée par le conseil tribal local.

La somme varie et va parfois de 300 ou 500 à 1000 dollars sous le prétexte d'une taxe de visa de sécurité et pour la permission de rouler dans un véhicule immatriculé au Pakistan.

Les étrangers ont informé le gouverneur de Kandahar Gul Agha Sherzai et les autorités, mais en vain.

Ces chefs tribaux locaux racontent même aux hommes du Gouverneur que la collecte de cet argent est une décision des chefs locaux et que ce n'est pas l'affaire du Gouverneur.

Lorsque les taliban ont quitté la province de Kandahar dans un pacte conclu avec le Président du gouvernement d'intérim Hamid Karzai, ils ont cédé le contrôle de Spin Boldak à la faction des Ghaibzai d'Achakzai et le contrôle de Spin Boldak aux hommes de la tribu de Noorzai.

À la chute de Kandahar, le fils du chef du clan des Ghaibzai a commencé à rendre visite aux étrangers sous sa protection et à les faire payer. Plus tard, les autres commandants ont suivi les pratiques du chef du clan.

Les hommes de la tribu des Noorzai sont aussi d'avis que si les tribus qui contrôlent la frontière le font, pourquoi ne pourraient-ils pas en faire autant à Spin Boldak. Les instructions de Gul Agha Sherzei, le Gouverneur, sont pourtant claires. Pas de points de contrôle autodidactes ni extortion sous quelque prétexte que ce soit.

Bien que des hommes armés soient postés à Spin Boldak, sous la direction de son jeune frère Muhammad Sharif, ils sont incapables de stopper ces extortions. Certains incidents ont aussi été rapportés : des habitants de la ville frontière de Chaman et des étrangers auraient dû payer des taxes sous la menace d'un fusil.

Les militaires et policiers déployés sur la frontière sont confinés à une surface réduite et n'ont rien à voir avec les milices.

Si cette pratique se poursuit et que le gouvernement échoue, les petits chefs locaux se mettront à kidnapper contre rançon comme c'était le cas avant la période talibane." C'est l'avis de Muhammad Yaqub, un habitant du coin. Il ajoute que les taliban avaient réussi à faire cesser ces pratiques.






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